jeudi 16 avril 2009

Europe

29 Janvier 2006, le train quitte le quai, mon reflet dans la vitre se superpose à ce paysage familier qui défile, projection consciente de ma dichotomie moïque, double ectoplasmique restant à jamais lié à cette Europe millénaire. Méta-architecte qui a érigé des empires mythiques et de glorieuses civilisations ou mégalomane liberticide pouvant entraîner le monde au bord du gouffre ; Europe aux multiples visages. Tu as tout renié : tes excès, tes légendes, tes crimes, tes œuvres, rejetant ta nature profonde. Vieille putain usée, fatiguée par une démocratie hypocrite et ses gardiens bien pensants, protecteurs d'un temple devenu stérile. La plus belle des femmes n'enfantera donc pas. Dans quelques années qui se souviendra de toi? Les langues, la culture, tout anéanti, dissous dans les eaux troubles de l'oubli. Qui relatera la pensée européenne sans ses mots? Sans mots plus de pensées, mémoire formatée, sauvegarde détruite.

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A la fin du 20ème siècle l'Europe misa sur l'ouverture, le pluralisme, le polyculturalisme, le mutlti-ethnisme, le polythéisme. Belle initiative, si celle-ci ne s'était construite au détriment de l'identité euro-occidentale, qui fut progressivement écrasée au profit d'un islamisme politique, antichambre de la lutte contre le capitalisme et du souverainisme américain. Présenté comme l'oasis spirituel du contre-pouvoir, il attira en son sein les échecs de la politique d'intégration européenne. La religion comme ciment fédérateur voilà la grande idée de la fin du vingtième.

Le début du vingt et unième siècle fut une psychanalyse, c'est une Europe frustrée qui entra dans le nouveau millénaire, angoissée par une castration identitaire, les 2 guerres mondiales du vingtième siècle comme une épée de Damoclès prête à s'abattre sur ses futurs nazis. Spectre d'un nouveau procès de Nuremberg, peur de soit-même, histoire paranoïaque. L'adhésion de la Turquie à l'Union Européenne ataxique, voulue par une Amérique stratégique vint sonner le glas de la civilisation européenne. Le Réseau vit les derniers mouvements contestataires s'élever contre l'utopie collective, mais des agents-vers encore sous leur forme primitive étouffèrent les derniers mouvements militants, stigmatisant le caractère extrémiste de leurs discours. L'Europe des livres d'histoire venait de tomber, abattue par la communication omnipotente ; arme de destruction massive de ce début de siècle.

A l'heure ou j'écris ces lignes, la mescaline continue de diffuser sa troublante vision du monde meilleur, un monde transpirant la liberté. La liberté est une prison de verre : de votre geôle vous pouvez contempler le monde qui vous entoure mais vous ne pouvez pas influer sur son développement.

Ceux qui jouissent de la liberté sont déjà mort.